dimanche, 9 février 2014
http://soissonnais.dsden02.ac-amiens.fr/410-la-chose-perdue.html
« J’étais à la plage, je complétais ma collection de capsules de bouteilles. C’est alors que j’ai vu la chose. J’ai dû la regarder un long moment. Il faut dire qu’elle avait l’air très bizarre, à la fois triste et un peu perdue. Plantée sur le sable, pas vraiment à sa place. Mais elle s’est montrée très amicale. J’ai joué avec elle une bonne partie de l’après-midi. Les heures passant, il devenait de plus en plus évident que personne ne viendrait la chercher... »
L’univers de ce récit est une grande ville ultra-industrialisée évoquant la fin d’un monde. Tout y est dirigé, formaté, numéroté par des signalisations toutes des plus injonctives. Les tuyaux, câbles de différents diamètres sont omniprésents. Chaque personne à une tâche à accomplir. Les adultes travailleurs n’ont pas le temps de rêvasser, « trop occupés à autre chose ».
Dans cette société qui prône l’ordre et la discipline, on comprend bien que la chose perdue dérange, elle qui donne l’impression d’être bien plus vivante que la plupart des humains à la mine dépressive de cette cité. Cette chose arrive à créer des émotions et des sentiments comme la peur d’être expulsée, d’être livrée à un bureau où on la classera dans les archives des objets trouvés... Il faut lui trouver un endroit à part, tout comme elle, dans lequel elle se sentira à sa place dans ce monde qui ne lui en accorde aucune, où personne ne s’intéresse à elle.
Shaun Tan propose un conte philosophique et poétique pour mettre l’accent sur notre capacité à voir la différence et à aller au-delà des apparences. "Il y a des choses comme ça ...tout simplement perdues" mais est-ce une raison pour les abandonner, les effacer, les oublier ? Une belle réflexion sur l’importance des choses, même les plus anodines, même les plus banales. L’auteur interroge notre rapport à l’autre et plus généralement notre manière de vivre, notre vision du monde, la nécessité de prendre du temps, de laisser agir l’imagination, avant que le réel ne nous accapare.
Les niveaux de lecture, à partir du cycle 3, peuvent être très différents, en abordant par exemple cette histoire comme un rêve absurde et mélancolique, comme la difficulté d’intégration de ce qui est étranger, hors normes, ou encore comme un questionnement sur la part d’enfance et d’imagination insouciante qu’on se sent obligé d’oublier à l’âge adulte.
Le travail de mise en page est impressionnant. En début d’album, des croquis préparatoires de l’histoire servent de fond. Ensuite, chaque fond de page est un ensemble de cours de mécanique avec près de 80 capsules comportant chacune une illustration différente de la science (mathématiques, physique, mécanique) ce qui donnera l’envie au lecteur curieux et amusé de tourner le livre dans tous les sens.
L’étonnante anatomie de la chose à la carapace rouge saute aux yeux en contraste avec la couleur grise dominante dans cet environnement lourdement urbanisé où vit le jeune homme.
Notons que le court-métrage adapté de cet album a reçu un oscar en 2012.
La chose perdue, Shaun Tan, Gallimard jeunesse (2012)