On nous a coupé les ailes
En 1914, alors que René est à peine adulte, la guerre éclate. Dans les tranchées, il se remémore son enfance quand il rêvait de devenir aviateur. Parallèlement, il écrit des lettres à sa mère dans lesquelles il raconte son quotidien. Il parle des combats aériens, de sa passion pour l’aviation qui l’aide à tenir le coup… Pour échapper à la mort, le jeune soldat s’enterre et construit des modèles réduits d’avions "qui ne voleront jamais et ne tueront personne", traces laissées de son passage sur terre...
... L’auteur s’est inspiré des fascinants petits avions de la Grande Guerre fabriqués dans les tranchées à partir de douilles de balles et de débris d’obus dont sa compagne a hérité d’un arrière-grand-père revenu du front, pour nous faire partager une histoire vraie, d’autant plus touchante.
Le récit alterne les lettres décrivant l’horreur au présent et les souvenirs d’enfance. « Je hais la boue des tranchées, elles remplacent les champs de mon enfance. Mais il y a les avions, Maman. Je m’enivre de leurs vrombissements. C’est à la fois terrible et merveilleux, ce boucan et leurs dessins dans le ciel. On parle d’un million de morts. Je ne peux pas le croire... Comment faire pire ? »
Pour René, c’est la passion pour l’avion qui lie le passé au présent. Du rêve d’enfant d’imiter libellules et oiseaux au temps des tout débuts de l’aviation, quand il joue à la guerre avec ses frères et ses cousins, il revient à la dureté de la vie dans les tranchées, parvient à l’oublier parfois quand il reconnaît le vrombissement d’un modèle d’avion et qu’il ne se lasse pas d’admirer les dessins, fragiles et éphémères qu’ils laissent dans le ciel.
Mais à travers ce personnage, l’auteur réussit à évoquer avec justesse tous les destins brisés des combattants en alternant les séquences de guerre et les souvenirs de jeunesse qui aident à survivre. Les illustrations d’Emile Bravo, en deux ambiances, font le lien entre le monde heureux de l’enfance et celui de l’enfer de la guerre et apportent la poésie nécessaire pour lire cette histoire.
Plusieurs pistes sont intéressantes à exploiter au cycle 3 :
- le contraste entre l’évocation d’un passé heureux et la réalité de la guerre (texte et illustrations) ;
- la passion pour aider à surmonter les pires épreuves, avec la possibilité d’un travail de recherche sur les objets fabriqués et plus largement les œuvres laissées pour oublier le quotidien et sauvegarder le moral du soldat ;
- le sens que l’on peut donner au titre de l’album par rapport aux destins brisés et l’image poétique de l’avion.
Un album remarquable pour une autre approche de la première guerre mondiale, à mettre en réseau avec les ouvrages déjà présentés dans cette rubrique et sur le blog 1914-1918 en Soissonnais.
On nous a coupé les ailes, Fred Bernard, éditions Albin Michel Jeunesse (2014)