La petite fille en rouge
Dans "La petite fille en rouge", Roberto Innocenti - un des plus célèbres illustrateurs italiens - offre à ses lecteurs une version très urbaine et contemporaine du "Petit Chaperon rouge" dans l’univers bétonné d’une banlieue à la fois attirante et inquiétante. Une histoire racontée par une grand-mère à des enfants un jour de grande pluie, une histoire à deux fins, l’une tragique, l’autre heureuse, en référence aux deux versions du conte traditionnel...
Une fillette, Sophia, demeure avec sa mère et sa sœur dans un immeuble sordide d’une ville dite moderne, forêt inhumaine de béton et de briques. Elle doit aller voir sa grand-mère malade à l’autre bout de la ville. La traversée de cet univers à la fois magique et étourdissant va se compliquer à cause d’une mauvaise rencontre...
Le texte écrit par Aaron Frisch reprend le lexique du conte de Perrault transposé dans l’univers contemporain de la ville. Il est question de « forêt de béton et de briques » et la fille au capuchon rouge doit rendre visite à sa grand-mère qui habite de l’autre côté de la « forêt ». Sophia, jeune fille sérieuse, malgré les conseils de sa mère, va se laisser tenter par le "Bois", un lieu magique, incroyable où l’on trouve tout ce dont on rêve, en fait... un centre commercial, temple de la consommation ! C’est là qu’étourdie par les couleurs et le bruit, elle va se perdre et rencontrer le « chasseur » souriant qui va lui proposer de l’accompagner sur sa moto noire. La laissant sur la voie rapide, il sera bien avant elle chez la grand-mère... et on imagine la suite quand la fillette arrivera à la nuit tombée !
L’originalité de cet album réside dans la complémentarité entre un texte qui se veut minimaliste et les illustrations riches de multiples détails qui détournent l’histoire du conte traditionnel dans un environnement urbain tout aussi inquiétant et dangereux que la forêt : rues sombres, loubards des rues, un « sauveur » qui s’avèrera un ennemi... Une dimension réaliste, à la limite plus angoissante encore, qui pourrait également évoquer les enlèvements et autres dangers qui, de manière générale, peuvent nuire à l’enfance. Ce sont bien les images d’une grande richesse interprétative qui nous content l’agressivité de la vie urbaine avec son trafic, les publicités démesurées aux couleurs criardes et agressives, omniprésentes, les tags et graffitis, la surconsommation, les quartiers sordides et sales, la petite criminalité...
Accessible à partir de 8 ans, cette revisite moderne et surprenante du conte dans un environnement urbain se prête merveilleusement bien au message du « Petit Chaperon Rouge ». Les illustrations peuvent être analysées minutieusement puisqu’elles présentent une projection du monde parfois violent des adultes, une critique de la société. On pourra en exploiter le message écologique, le message social avec le contraste entre la ville où la consommation est reine et les banlieues pauvres.
La petite fille en rouge, Roberto Innocenti et Aaron Frisch, éditions Gallimard (2013)